samedi 22 juillet 2017

Yasmina Khadra : LES HIRONDELLES DE KABOUL, Juillard, 2002


De la lapidation d'une femme pour cause de prostitution tout au début à celle d'un homme pour cause de démence tout à la fin, ce roman nous entraîne dans la spirale de horreur de la vie quotidienne en Afghanistan, juste après la fin de l'occupation russe et au moment de l'installation de la dictature que font régner les talibans sur les corps et les esprits.

On a beaucoup dénoncé l'obligation faite aux femmes de porter le tchadri, "ce monstrueux accoutrement qui la néantise" et Khadra n'est pas en reste, mais son roman va plus loin, beaucoup plus loin. A travers l'histoire de deux couples de conditions bien différentes, deux couples qui s'aiment, il développe une condamnation sans appel du régime des talibans. Il en démontre les outrances et les effets destructeurs sur une population réduite à un état infra-humain.

"Longtemps, je m'étais faite à l'idée que ton coeur s'était fossilisé, que plus rien ne pourrait faire frémir ton âme ou te faire rêver. Je t'ai vu, jour après jour, devenir l'ombre de toi-même, aussi insensible à tes déconvenues qu'un rocher à l'érosion en train de l'effriter. La guerre est une monstruosité et ses enfants ont de qui tenir. Parce que les choses sont ainsi faites, j'ai accepté de partager ma vie av quelqu'un qui n'ambitionnait que de courtiser la mort. Au moins, de cette façon, j'avais une raison de croire que mon échec n'était pas de mon ressort. Et puis, cette nuit, j'ai vu de mes propres yeux, l'homme que je croyais irrécupérable se prendre la tête dans les mains et pleurer. J'ai dit, c'est la preuve qu'une lueur d'humanité subsiste encore en lui. Je suis venue souffler dessus jusqu'à ce qu'elle devienne plus vaste que le jour."

Mais Khadra n'oublie jamais l'ironie, celle qui sauve, qui offre une revanche, qui permet, tout du moins d'essayer, de se relever, et c'est bien le tchadri qui permettra à l'une des deux femmes de sauver l'autre, en trompant leurs persécuteurs.

Un roman important, presque comme toujours, avec Yasmina Khadra.

vendredi 21 juillet 2017

Eric-Emmanuel Schmitt : LA NUIT DE FEU, Albin Michel, 2015



Un livre qui m'a surprise et surprise en bien. Je ne m'attendais pas à lire une "aventure" autobiographique et encore moins un voyage initiatique à la rencontre de ce qu'à défaut de mieux, Eric-Emmanuel Schmitt appelle Dieu.

Parti dans le Hoggar en préparation d'un documentaire sur Charles de Foucauld, l'auteur nous raconte sa découverte du désert, dans le cadre d'un petit groupe de personnes disparates. Ils sont guidés par un Touareg sans âge, qui le fascine dès le premier abord. 

Une phrase l'obsède : "Quelque part mon vrai visage m'attend".

"Que signifiait-elle ?
Je supposais qu'elle illustrait mes soucis : depuis un an, je cherchais ma place dans la vie, ma fonction, mon métier. Cette retraite au désert allait me permettre de progresser. Devrais-je continuer mes spéculations philosophiques ? Et lesquelles ? Devais-je plutôt investir l'enseignement ? Devais-je me dédier à l'écriture ? Bref, étais-je un érudit, un penseur, un professeur, un artiste ? Autre chose encore ?  Autre chose ou ... rien ? Rien peut-être... (...)
Aujourd'hui, en rédigeant ce paragraphe, je distingue mieux la question car je possède la réponse qui allait m'être fournie trois jours après... d'une façon bouleversante. Mais n'allons pas trop vite."

La suite du récit nous apprend les circonstances qui lui ont apporté une début de réponse.

Ce qui aurait pu être un ouvrage pesant et présomptueux, lourd de sentences et d'explications, reste, pour notre plus grand plaisir, un roman, une tranche de vie, une réflexion personnelle profonde sur le sens de sa destinée, sans jamais essayer de vous convaincre, encore moins de vous "convertir".

J'avais un peu mis de côté cet auteur, ayant l'impression que la notoriété et le succès l'avaient entraîné dans une surproduction effrénée. Je le retrouve avec plaisir et beaucoup d'intérêt.