dimanche 24 avril 2016

Nicolas Bréhal : LA PALEUR ET LE SANG, Mercure de France, 1983


Nicolas Bréhal, de son vrai nom Gérald Solnitzki, parvient avec talent, à mêler les contes et légendes bretonnes aux grandes tragédies grecques.

Dans une atmosphère lourde de tempêtes, de vents violents suivis d'accalmies non moins inquiétantes, il nous raconte le destin de la famille Bowley, "prisonnière" de Belle Île, dont il se plaît à nous rappeler qu'on l'a appelée "Vindilis".

Régnante en maître de l'île, employant agriculteurs et pêcheurs, aucun de ses membres n'échappera à la prophétie que la "druidesse" redoutée avait annonçait à la mère :

"Bientôt, elle mettrait au monde un enfant à deux têtes, l'une blanche, l'autre noire, trouées par des yeux de diamant pur. Dans le sac de chair, la source d'eau et de sang, mêlés, deviendrait fleuve de châtiment. Un homme serait tué, et sa mort la cause de la pire malédiction que l'on puisse rencontrer ici-bas. Les deux têtes de l'enfant se sépareraient le jour où l'âme du mort trouverait enfin le repos éternel. Pour cela, dans le sein nourricier, le coeur cesserait de battre; et la main, ayant osé de ses caresses toucher ce sein, tomberait, tranchée d'un coup de lame."

Si l'issue est connue, l'auteur prend le temps de dresser le portrait de chacun en s'attardant avec attachement sur celui de la fille, à qui il confie la lourde tâche d'écrire et de transmettre le déroulement du drame et d'en être "l'exécutrice". 

Comment ne pas penser au film de Pasolini, Théorème, qui, en d'autres lieux et d'autres temps, avait également incarné le destin, en la personne d'un étranger venu semer le trouble dans ce qui paraissait une famille unie et respectable. 

Le roman est construit de manière forte, sans artifice et dans une langue sobre. Il se lit d'un traite. Il m'a fait découvrir un univers, la Bretagne et ses légendes, dont je dois bien avouer que je ne connais que peu de choses.

Un auteur dont je me réjouis de découvrir les autres romans. 

jeudi 21 avril 2016

Gilles Lapouge : BESOIN DE MIRAGES, Seuil, 1999


Voilà ce qui arrive lorsque ses premiers mirages on se les invente, assis à l'envers,  sur un strapontin de la voiture familiale qui file vers le sud, alors que l'on est regarde le nord !  Le regard porté sur les paysages, les gens, les lieux des futurs voyages en est profondément transformé.

Gilles Lapouge est l'un de ces "écrivains voyageurs" qui sait, à petite touche, nous faire partager ses découvertes, ses émotions, non pas à l'instant, mais après coup, au retour, au moment où il se remémore et où il "réinvente" ce qu'il a vu, ce qu'il en a retenu.

Un livre fort, intéressant, fort intéressant d'ailleurs, qui nous emmène du Sahara en Islande, en passant par l'Amazonie et les Alpes de Haute Provence. 

"A mon départ du Brésil, j'avais oublié ces garçons et ces filles, et leur jeu de cache-cache dans la brume, et il m'a fallu plusieurs mois pour les récupérer. J'ai de ces absences. Les choses dont je me souviens d'abord ne sont pas les plus intéressantes. Comme Petit Poucet, je serais mauvais : je perds mes cailloux et mes chemins. Jadis, j'aurais accusé l'esprit de l'escalier Maintenant, je me dis autre chose. Je me dis que chaque pays abrite beaucoup de pays. Les pays ce sont comme les caboclos, ce sont des métis. Chacun est fait de dix pays entrelacés, il faut es mois pour les désentortiller."

Ce que j'aime dans les livres de Gilles Lapouge, c'est que bien qu'érudit, il ne nous assomme pas de sa science, mais nous fait partager ces petits instants de bonheur avec légèreté, juste en passant et c'est un plaisir quasi physique que de voyager avec lui.