mardi 10 novembre 2015

Vassilis Alexakis : L'ENFANT GREC, Gallimard, 2012


Un livre terminé depuis plus de quinze jours, mais auquel je repense, qui me revient en mémoire, bref, que je ne suis pas prête à oublier.

Et pourtant, rien d'extraordinaire, pas d'actions débridées, pas d'énigme insoluble... c'est peut-être bien là que réside la particularité de cet ouvrage, une aventure tranquille, calme, mais obstinée, qui va au rythme du pas que permettent les béquilles, mais une aventure au coeur de la découverte de la lecture, au coeur du métier d'écrivain.

Alexakis nous raconte comment, ayant subi une opération suite à un anévrisme, il se retrouve obligé de quitter son 5ème étage sans ascenseur pour une chambre d'hôtel situé non loin du jardin du Luxembourg. Chaque jour il y fait une petite promenade, y rencontre toutes sortes de personnes, se remémore ses lectures d'enfants à la faveur de la découverte des nombreuses statues d'écrivains qu'il y trouve. Petit à petit, le Jardin n'a plus de secret pour lui, à tel point qu'il l'intègre à son imaginaire et que les personnes croisées deviennent elles-mêmes des personnages de fiction.

Du théâtre de marionnettes d'Odile, en passant par l'auberge, sans oublier ni les toilettes publiques, où oeuvre la charmante Marie-Paule, ni le Sénat que M. Jean, ancien bibliothécaire, connaît comme sa poche, Alexakis dresse le décor de ses réflexions, de ses souvenirs et finalement du roman qu'il est en train d'écrire. 

"Je parlais quelques fois de ces personnages avec mon frère, puisqu'ils avaient été également ses amis. (...) S'il avait été encore en vie, je lui aurais téléphoné cent fois depuis que j'ai commencé ce récit pour lui demander des précisions sur le caractère de tel ou tel personnage. Je suis à présent obligé de recourir à des encyclopédies, de consulter des oeuvres. Si j'ai entrepris de ressusciter tout ce monde c'est peut-être avant tout parce qu'il me rappelle mon frère. J'ai ouvert après tant d'années la porte de la remise de Callithéa pour le retrouver, lui. Je suis en train d'écrire un roman selon son coeur étant donné qu'il se passionnait non seulement pour les "Classiques illustrés", mais aussi pour Guignol et sa bande. Il aurait sûrement pris plus de plaisir que j'en ai eu à déambuler dans les couloirs du palais du Luxembourg, car il aimait le faste."

La présence des personnages mythiques de nos lectures de jeunesse est si forte que l'auteur se laisse emporter lui-même par son récit et qu'à plusieurs occasions l'imagination fait déraper la réalité et que tout ce petit monde se retrouve des accointances avec les héros de jadis. 

Un grand livre, un grand auteur !

En surfant sur Internet, j'ai trouvé cette interview d'Alexakis. Je n'arrive malheureusement pas à intégrer la vidéo, mais vous pouvez cliquer ICI pour l'écouter.

dimanche 8 novembre 2015

Frédérique Deghelt : LE VOYAGE DE NINA, Librairie générale française, 2014


Qu'est-ce qui pousse un éditeur à choisir un livre plutôt qu'un autre lorsqu'il décide de faire une action "livre offert " ?

Si j'en juge par celui-ci, j'aurais tendance à penser que c'est pour s'en débarrasser, mais je soupçonne le marketing d'avoir des stratégies plus complexe.

En tout cas, même s'il va trouver sa place dans ma bibliothèque à la lettre D, cela m'étonnerait beaucoup que je l'en ressorte un jour, même pas pour le refiler à quelqu'un d'autre.

Quel ennui ! Sous couvert de "road movie" (une jeune fille, ayant perdu ses parents est confiée à ses grands parents qu'elle ne connaissait pas. Avec l'aide de ses amis collégiens, elle fait une fugue), Frédérique Deghelt nous déroule une série de poncifs bien-pensants sur l'amitié, l'amour, la mort... dans des décors dignes de prospectus de voyage, dans une atmosphère de bisounours, où même les méchants n'arrivent pas à leurs fins !

Le comble c'est que Frédérique Deghelt a l'air de savoir qu'elle écrit de la daube. Voyez plutôt :

"Ajoutons à cela que ça m'est déjà arrivé souvent, en voyant un film, d'être exaspérée parce que le paysage, les biches, les bêtes sauvages, la lumière sur les marais, la mer au loin, le galop sur la plage, le jour qui décline... Le type est beau, la fille est en train de tomber amoureuse grave... Ils en ont fait un peu trop. Ils y sont allés fort et ça sent l'eau de rose à plein nez. C'est plus du romantisme, ça bave et ça devient de la guimauve écoeurante.... Eh bien voilà. Dans la vie ça existe aussi."

C'est cette dernière phrase qui cloche... Non, Mme Deghelt, dans la vie on rencontre certainement des gens généreux, ouverts et qui vous dépannent, mais pas que...

mercredi 4 novembre 2015

Alessandro Baricco : Mr GWYN, Gallimard, 2011


Alessandro Baricco est un auteur dont je n'hésite jamais à acquérir un livre lorsque je tombe dessus lors de mes trop rares passages en librairie.

Je l'ai trouvé à l'aéroport et c'est donc dans les bagages de retour de mon dernier voyage en Suisse, que je l'ai embarqué. 

Bouquin d'aéroport (avant on disait "littérature de gare") ? Non, bien au contraire. Il s'agit d'une réflexion peu banale sur le métier d'écrivain, mais avec toujours la légèreté et la finesse dans le propos que l'on connaît à cet auteur. 

Nous sommes à Londres où Mr. Gwyn, auteur à succès, décide de ne plus se prêter aux contingences liées à son métier : discussion dans les classes, interview, séances photo "le menton dans la main, songeur", mais surtout, et au grand dam de son éditeur et ami, de ne plus écrire. C'est sans compter le sentiment de vide qui s'installe, après une courte période euphorique de liberté.

"Il y avait un tas d'autres choses dont il ne devait plus se préoccuper. Il était comme un de ces chevaux qui, débarrassés de leur écuyer, reviennent en arrière perdus, au petit trot, tandis que les autres sont encore à se démener pour atteindre la ligne d'arrivée avec un classement quelconque. Le plaisir généré par cet état d'âme était infini."

C'est en visitant une galerie de portraits qu'il décide de reprendre la plume. Lui qui n'est pas doué en peinture dressera le portrait intime de quelques personnes sciemment choisies à l'aide des mots qui lui sont si chers. Il ne s'agit bien sûr pas d'une description, mais de découvrir non pas "des personnages, mais des histoires. (...) Chacun de nous s'arrête à l'idée qu'il est un personnage engagé dans Dieu sait quelle aventure, même très simple, or nous devrions savoir que nous sommes toute l'histoire et pas seulement ce personnage. Nous sommes la forêt dans laquelle il chemine, le voyou qui le malmène, le désordre qu'il y a autour, les gens qui passent, la couleur des choses les bruits".

Pour parvenir à son but, il met en place un dispositif semblable aux séances de pose chez un peintre, condition nécessaire pour permettre à ses sujets de "revenir chez eux". 

Mr. Gwyn se définit dès lors comme "copiste". Ce n'est qu'à la fin de l'ouvrage que ce terme trouvera son vrai sens.

Un livre qui se lit d'une traite, qui vous charme, vous ravit, vous interroge sans jamais alourdir le plaisir que vous prenez à suivre cet écrivain dans sa démarche peu banale.