jeudi 25 avril 2013

Stefan Zweig : LE VOYAGE DANS LE PASSE, Grasset, 2008


Jusqu'ici, pour moi, Stefan Zweig était resté lié à l'étude de la "Schachnovelle" en cours d'allemand. Donc pas forcément un bon souvenir... Même si "ce n'était pas de sa  faute !".

C'est tout de même avec curiosité que j'ai entamé cette nouvelle-ci sur la suggestion d'une amie. Et ce fut une révélation ! Quelle écriture ! Limpide, directe, sans fioriture, moderne, tellement moderne ! 

Quant à l'histoire, toute simple au départ,  d'un jeune homme pauvre engagé comme secrétaire d'un grand industriel, qui tombe amoureux de la femme de ce dernier, elle va être confrontée à la grande Histoire. En effet, cet amour à peine avoué, à peine partagé, va être empêché une première fois par la déclaration de la première guerre mondiale et une deuxième fois par la montée du nazisme. 

"Ils gravirent les hauteurs en silence. En contrebas, les maisons faiblement éclairées s'estompaient déjà; depuis le crépuscule de la vallée, la courbe du fleuve s'étirait, toujours plus lumineuse, tandis qu'en haut, les arbres embaumaient et que l'obscurité s'abattaient sur eux. Ils ne croisaient personne, seules leurs ombres glissaient en silence devant eux. Et chaque fois qu'un réverbère éclairait leurs silhouettes à l'oblique, leurs ombres de mêlaient, comme si elles s'embrassaient; elles s'allongeaient, comme aspirées l'une vers l'autre, deux corps formant une même silhouette, se détachaient encore, pour s'étreindre à nouveau, tandis qu'eux-mêmes marchaient las et distants."

L'édition en Livre de Poche réunit la traduction de Baptiste Touverey ainsi que le texte original, suivi d'une biographie signée de Isabelle Hausser. 

vendredi 12 avril 2013

Maxence Fermine : LE TOMBEAU D'ETOILES, Albin Michel, 2007


Didier Vandoeuvre est un taiseux, comme beaucoup de ses congénères, isolés qu'ils sont dans leur village de montagne en Savoie. Ce n'est qu'une fois les témoins de sa jeunesse disparus, qu'il décide de se livrer et surtout de se décharger du poids de ses secrets. 

"Alors il me faut à mon tour témoigner, avant que ces lueurs ne s'éteignent une à une, et que tout ne sombre et ne disparaisse à jamais dans les crevasse du temps".

Tout s'est joué le 14 août 1944, alors que la région est sous occupation allemande. Mais le propos de Marxence Fermine n'est pas de nous relater, une Xème fois les hauts faits de la résistance, loin de là.  Il s'attache plus à dresser le portrait des trois personnages principaux et, surtout, à conter les circonstances qui ont fait basculer la vie de Didier Vandoeuvre.  Je ne vous en dis pas plus, mais sachez que dès les première pages on est pris par le récit.

J'ai retrouvé dans cet ouvrage la poésie intrinsèque de l'écriture de Maxime Fermine et s'il prête à un soldat allemand de la première guerre mondiale ce poème, je ne serais pas étonnée qu'il l'ait écrit lui-même.

"Je ne suis qu'une ombre dans un tombeau d'étoiles
Une ombre noire allongée dans un cercueil d'or
Et lorsque soufflera le zéphyr de la mort
Vers les froides ténèbres je mettrai la voile

Je m'envolerai vers les rêves azuréens
Bercé par le son d'une musique inquiétante
Guidé par les phalènes aux lueurs éclatantes
Qui, tels des astres, illumineront mon chemin

Je suis tombé ce matin au champ de bataille
Comme tant d'autres victimes d'une guerre inutile
Et voilà que lentement mon âme vacille
Ma pauvre vie, vraiment, ne vaut plus rien qui vaille

Je ne suis qu'un ombre dans un tombeau d'étoiles
Une ombre noire allongée dans un cercueil d'or
Et lorsque soufflera le zéphyr de la mort
Vers les froides ténèbres je mettrai la voile."

Comment ne pas penser au Dormeur du Val de Rimbaud.


dimanche 7 avril 2013

Philippe Djian : DOGGY BAG, SAISON 1-2-3, Julliard, 2010


Lorsque Philippe Djian décide de créer une série littéraire, sur le modèle des séries télévisées, il ne laisse aucun détail au hasard. Tout y est. La forme d'abord : trois saisons, des "épisodes" calibrés, durant lesquels le montage des séquences se fait comme au cinéma, on passe d'une situation à une autre par un simple passage à la ligne. 

Le lieu : une ville moderne avec son fleuve, ses parcs, ses buildings, ses quartiers résidentiels, et surtout ses rues portant toutes un nom de cinéaste ou de musicien.

L'espace-temps : celui que met une ville complètement inondée à retrouver sa fonctionnalité.

Vingt et un personnages, dont il a la bonne idée de dresser la liste en tout début d'édition, ce qui n'est pas inutile, et qui remplace le "previously" habituel.  

Enfin, une saga familiale dans laquelle le sexe et l'argent jouent un rôle prédominant.

Le fonds et l'histoire ont finalement peut d'importance, et d'ailleurs ce n'est pas ce qui m'a le plus intéressée, même si je dois avouer que, contrairement à la plupart des séries tv, c'est bien la dernière saison qui est la meilleure. Djian retombe sur ses pattes et après nous avoir étourdis par les péripéties de chacun des protagonistes, il réussit à rassembler le tout  dans un dernier chapitre-scène digne des grands scénaristes.

"Au premier abord, peut-être, cette famille fichait-elle les jetons. Sans doute pouvait-on s'y méprendre. C'est souvent comme ça."

Un pari réussi, mais, un peu comme on ne garde pas en mémoire les feuilletons,  c'est de cela dont je me souviendrai.