mardi 30 octobre 2012

Rachel Joyce : LA LETTRE QUI ALLAIT CHANGER LE DESTIN D'HAROLD FRY ARRIVA LE MARDI..., XO Ed. 2012


J'ai reçu ce livre, dans le cadre de l'opération "Masse critique" organisé par Babelio.comaprès bien des détours, puisque je l'ai fait livré en Suisse, chez mon fils, et que ce dernier me l'a fait suivre par la poste ! Une première pour moi, mais surtout une première pour l'auteure. 

En effet, "La lettre..." est le premier roman de Rachel Joyce, mais  comme elle a travaillé pendant plus de vingt ans comme scénariste pour la radio, la télévision et le théâtre, on sent qu'elle maîtrise bien l'écriture.

Une lecture qui fut un pur plaisir ! La trame de l'histoire d'abord : Harold Fry, jeune retraité, reçoit un message désespéré d'une ancienne collègue à l'article de la mort et il décide de lui répondre. Mais comment répondre à une personne envers laquelle on se sent coupable ? Harold jette quelques mots sur une feuille et sort de chez lui pour la poster, mais il ne peut se décider à lâcher l'enveloppe dans la première boîte à lettre, encore moins dans la seconde, et le voilà qui se met à marcher. La rencontre d'une jeune fille le conforte dans son idée que s'il traverse l'Angleterre pour rendre visite à son amie, celle-ci restera en vie. Et le "pèlerinage" de Harold commence. 

On l'accompagne durant les 87 jours qu'il lui faudra pour parcourir les quelques 800 km qui séparent Kingsbridge de Berwick. On le plaint lorsque ses pieds et ses jambes refusent de continuer à le porter, on le découvre au fil de ses réflexions sur son passé, ses relations avec sa femme et son fils, son amitié pour cette collègue, on envie la simplicité avec laquelle il accepte l'aide qui lui est offerte et on l'admire quand il parvient à se remettre en question et à dépasser  ses inhibitions. On l'aura compris, ce périple est aussi un voyage intérieur.

Je ne révèlerai bien sûr pas la fin, ni même les différentes étapes, tant Rachel Joyce, sait entretenir un suspens latent. Le rythme de l'histoire correspond parfaitement à celui de la marche. Aucune précipitation dans le récit, mais une avancée régulière et je dirais presque têtue. Les chapitres étant très courts, on passe de l'un à l'autre, sans fébrilité, mais avec un intérêt grandissant pour le(s) personnage(s). (Le portrait de la femme de Harold est particulièrement attachant).

"Pour réussir, il devait s'en tenir au sentiment qui l'avait inspiré au tout début. Aucune importance si les autres auraient agi différemment; c'était même inévitable. Il ne sortirait pas des routes, car, en dépit des quelques voitures qui roulaient trop vite, il s'y sentit en sécurité. aucune importance non plus s'il n'avait pas préparé son itinéraire ou emporté une carte routière. Il disposait d'une carte différente, celle qu'il avait dans la tête, faite de tous les gens rencontrés et de tous les lieux traversés."

Le style est agréable, les personnages sont crédibles et  terriblement humains, les grandes idées jamais pompeuses, l'émotion véritable. Bref, un vrai roman !

vendredi 26 octobre 2012

Shahriar Mandanipour : EN CENSURANT UN ROMAN D'AMOUR IRANIEN, Seuil, 2011


Peut-on écrire un roman d'amour en Iran, à l'heure de la République islamique ? C'est à cette question que répond Shahriar Mandanipour. Il ne se contente pas de répondre "Non" dans le vide, mais il nous en donne la preuve tout au long de son ouvrage. 

L'écriture est triple : celle du roman d'amour est en gras, les passages à censurer sont biffés et, en caractères simples, les tâtonnements,  les interrogations, voire les explications de l'auteur sur ses doutes et ses difficultés à faire aboutir son projet, ainsi que la véritable histoire de ses deux protagonistes, histoire impubliable en Iran de nos jours.



Mais retournons à l'université de Téhéran...
Les étudiants reçoivent toujours des coups de matraque...
Non. Cette phrase ne plaira pas du tout à M. Petrovitch. En outre, du point de vue de la littérature iranienne, ce n'est pas une information le moins du monde passionnante, parce que dans mon pays, depuis la fondation de la première université, se faire tabasser et être jeté en prison a toujours fait partie du programme obligatoire des études.... Voilà donc comment je vais effectuer la transition pour reprendre le fil de mon récit : Revenons ensemble à ce beau jour de printemps dans la rue de la Liberté...
La police antiémeute poursuit ses efforts pour disperser les étudiants. (...) 

L'intérêt du roman réside bien sûr dans la partie du dialogue avec lui-même, avec ses personnages, et avec ses lecteurs. On y découvre un pays où toutes les activités sont soumises aux diktats du ministère de la Culture et de l'Orientation islamique, dont les sbires sont toujours prêts à intervenir dans la moindre activité quotidienne. Et pourtant, sa jeunesse ne manque pas d'audace ni de rêves : l'héroïne, n'hésite-t-elle pas à ôter son voile en pleine rue en échange d'un livre auquel elle tient beaucoup ? 

Le propos est intéressant, mais à la longue, le roman s'épuise et tourne autour de son procédé. Mais au moins la démonstration est faite, l'histoire d'amour proprement dite est insignifiante, digne des romans de la série Arlequin et ne peut être terminée.

Il n'est pas étonnant que l'auteur ait émigré aux Etats-Unis  en 2006, pour pouvoir poursuivre son oeuvre. Un auteur à suivre.