jeudi 5 juillet 2012

Jacques Prévert & André Pozner : HEBDROMADAIRES, Ed. Guy Authier, 1972


Retrouver  Jacques Prévert et sa poésie, mais pas seulement, au travers de la présentation des entretiens et des moments d'amitiés qu'il a partagés avec André Pozner. Un pur moment de plaisir. 

C'est au début des années 1970 qu'André Pozner, récemment engagé par une revue littéraire,  prend contact avec Prévert pour lui proposer une série d'entretiens.  Très vite, la complicité se transforme en amitié, ce qui n'empêche pas Pozner de s'émerveiller, toujours et encore, devant la capacité de Prévert de manier les mots, les idées, d'être  tout simplement Poète, avec un grand P.

"En quittant Prévert, ivre de mots, je rentre vite à la maison pour écouter l'enregistrement du magnétophone et je me dis : il peut parler d'hebdomadaires comme de voitures, d'oiseaux ou d'arbres, mais ces hebdomadaires comme ces voitures, ces oiseaux et ces arbres il leur donne l'encre ou l'eau de son jardin, c'est la manière qui compte."

Au fil de la lecture, on découvre un Prévert ayant toujours sous la main, un extrait d'article, un passage souligné dans un livre, une citation pour illustrer son propos.  Les sujets abordés, vont de l'amitié, du surréalisme, en passant par la science, Dieu, la bombe atomique et l'apocalypse des sujets "graves" mais pas "sérieux".  

Et puis, rarement, il parle de lui :

"J'allais au cinéma plusieurs fois par semaine. Enfant et plus tard. Avec toujours un grand plaisir. Quand nous y allions avec mon père, ma mère et mon frère, ça ne coûtait pas cher mais tout de même trop pour nous. Alors, en passant devant le contrôleur mon père disait : "Passez devant les enfants !" On passait, on allait s'asseoir en vitesse et mon père donnait deux billets. "Et les enfants ?" demandait le contrôleur. "Les enfants ? Quels enfants ?" "Mais vous avez dit..." "J'ai dit : Passez devant, les enfants, parce que les enfants d'abord !" C'était toujours ça de gagné.
Je demande à Prévert :
- Il n'y avait jamais un rond à la maison ?
- Tout de m'eme, il y en avait de temps en temps, puisqu'on allait au cinéma !"

On est pris, à nouveau, par la magie du Verbe et le côté pétillant de sa pensée : 

"On vous dit que la vérité est au fond du puits de la culture. Quand elle reçoit de trop gros in-folio sur la tête, la vérité, dans le fond du puits, étouffe. Et de ceux qui l'étouffent, on dit qu'ils sont des puits de science".

J'ai noté un grand nombre de passages, mais je m'arête là, en vous recommandant vivement la lecture de ce petit bijou.

Juste encore une réflexion de Pozner :

"Je me demande comment Prévert parlait dans sa jeunesse. Il n'est sûrement pas venu au monde orné de toutes ses plumes. L'animal a dû s'éployer, la machine se roder. Non qu'il s'imite, qu'il joue à être Prévert : il l'est devenu, depuis longtemps. Il continue à l'être et à le devenir. Les mots lui viennent tout seuls ou plut^t, leurs jeux lui sont familiers comme colin-maillard ou autos tamponneuses, il n'a pas à se forcer. Il ne les utilise pas pour être drôle, mais pur faire rire de choses drôles, de choses tristes, pur caresser ou pour frapper, serrer des mains amies, briser les portes verrouillées de domaines ennemis - églises, casernes, palais d'injustice - qui laissent une si forte empreinte sur le vocabulaire : pourquoi le vocabulaire ne rendrait-il pas l'impolitesse ? Le propre de l'écrivain, c'est de jouer avec les mots, m'eme si le sale du banquier est de jongler avec les chiffres."

2 commentaires:

  1. Le propre de l'écrivain, c'est de jouer avec les mots, même si le sale du banquier est de jongler avec les chiffres."
    J'aime beaucoup !
    Et aussi Prévert !
    Bonne journée, Amartia.

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  2. Merci pour le conseil. Livre commandé sur vos recommandations. Cordialement.

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