mardi 17 janvier 2012

Romain Gary : LE GREC, L'Herne, 2007



L'Herne a décidé de publier dans ses "Cahiers" plusieurs textes inédits et inachevés de Romain Gary, et on ne peut que s'en réjouir.

Celui-ci raconte le début de l'histoire d'un jeune Américain, ancien nageur de fonds qui passe d'île en île, vit d'expédients, trafique des antiquités et ponctionne les riches Anglais installés en Mer Egée. 

"Mais la colonie étrangère, presque entièrement anglaise, n'était pas indûment inquiète. Il s'agissait de gens qui tout au long des cinquante dernières années avaient joué au bridge en compagnie de l'histoire, pendant que le vieux monde auquel ils appartenaient se transformait à une vitesse si effrayante que les majordomes anglais étaient en passe de devenir une espèce menacée." 

Il y est beaucoup question de mer, et ce passage m'a fait penser à la fin du film "Le Grand Bleu".

"Il n'y avait pas de courants à cet endroit, le seul danger provenait de ces phénomènes qui surviennent souvent quand vous vous trouvez trop loin du rivage dans une eau limpide la nuit, tout à coup vous avez le sentiment que vous ne voulez plus retourner à terre, il faut vous rappeler que c'est un tour que la mer joue souvent à ceux qui l'aiment trop".

Mais on est en Grèce, à l'époque de la dictature des Colonels et la lutte pour la liberté ne va pas tarder à rattraper le jeune Billy.

"Le lendemain matin, toute une section de l'île, au nord de la jetée, fut mise hors limites par un cordon de policiers et l'on vit arriver un bateau sur le pont duquel se trouvaient des centaines de prisonniers; Billy les regarda du haut du vieux château construit quelque sept siècles auparavant par les croisés français. Les prisonniers attendirent, assis sur le pont, pendant qu'un nouveau groupe d'une cinquantaine d'hommes de l'île étaient escortés à bord par des gardes armés de mitraillettes. Après quoi, le bateau appareilla et les toursites purent de nouveau circuler dans cette partie de l'île et se donner du bon temps, en prenant des photos du vieux château, ou bien en plongeant du haut des rochers, et l'écho de leurs rires et de leurs voix, en allemand, en anglais, en français retentissait parmi les rochers  brûlants, les murs blancs et les pierres du château. Billy remarqua l'absence de quelques visages familiers, le long des rues pavées, et il vit sangloter des femmes drapées dans des voiles noirs, et Petro se saoûla à tel point qu'il dut être emporté hors de la tavernes par des amis, et les petites églises étaient si pleines de gens qui priaient et chantaient qu'on avait presque l'impression qu'elles allaient se soulever du sol et s'envoler vers le ciel, sur les ailes d toutes les prières."


On retrouve le plaisir des mots, la capacité qu'a Gary de dire beaucoup en étant le plus concis possible. 

Si ce style vous plaît, n'hésitez pas à lire cette ébauche de roman. Vous ne connaîtrez pas la fin de l'intrigue, mais vous aurez un instantané de la Grèce de la fin des années 60, et de la lutte contre la junte au pouvoir.



3 commentaires:

  1. Je le lirai donc, puisque j'aime bien Romain Gary.
    Grande période de lecture pour toi, en ce moment, Amartia !

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    1. En effet, vu la situation économique, je n'ai plus beaucoup de cours, et la saison touristique ne semble vouloir débuter qu'aux vacances de février. Alors j'en profite.

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  2. Bonjour!

    Je viens un peu visiter votre blog. Je pense que nous pourrions bien nous entendre nous partageons une passion commune la lecture. J'aime beaucoup Romain Gary je viens de terminer de lire La Promesse de l'aube et suis en train de préparer un billet sur mon ressenti.

    J'espère que nous pourrons faire plus ample connaissance sur nos blogs respectifs. A très bientôt

    P.D je vous ai envoyé un mail au sujet de la chambre d'hôte.

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