mardi 27 décembre 2011

Carlos Ruiz Zafon : LE PRINCE DE LA BRUME, Robert Laffont, 2011


Un livre comme ceux que j'aimais lire lorsque j'étais petite : de jeunes héros, de l'amitié, des mystères, des énigmes, des personnages inquiétants et fantastiques. Il y a longtemps que je n'en ai pas lu, et je me rends compte que j'aime toujours autant la fraîcheur et la naïveté de ces écrits de et pour la jeunesse.

Il faut dire que Carlos Ruiz Zafon excelle dans l'art de la mise en place des personnages et dans celui de nous tenir en haleine par un "scenario" bien ficelé. 

Il s'agit de son premier roman publié, en 1992, dans une édition destinée aux adolescents. On y retrouve déjà les prémisses de tout ce qui m'a ravie à la lecture de L'ombre du vent. 

"Avant de plonger, il échangea un dernier regard avec Alicia. Sur le visage de sa soeur se lisait clairement la lutte entre la volonté de sauver Roland et la panique de voir son frère connaître le même sort. Avant que le bon sens ne les en dissuade tous les deux, Max s'enfonça das les eaux cristallines de la baie. Sous ses pieds, la coque de l'Orphéus s'étendait jusqu'à ce que la vision se trouble. "

Un très bon moment de lecture. 

mardi 6 décembre 2011

Aravind Adiga : LE TIGRE BLANC, Buchet/Chastel, 2008


Balram Halway, dit le Tigre Blanc, écrit pendant sept nuits d'affilée une longue lettre au premier ministre chinois qui va venir en visite officielle en Inde. D'emblée il pose le ton :

"De nos jours il n'y a plus que deux castes : les gros ventres et les ventres creux. Et deux destins : manger ou être mangé".

On n'est pas surnommé le Tigre Blanc pour rien et c'est donc le destin de manger que Balram a choisi. Il expose patiemment, comment, de petit garçon intelligent, mais ne pouvant terminer son école, il devient, petit à petit, l'entrepreneur de sa propre vie, sans rien cacher des sacrifices et des terribles décisions qu'il a dû prendre.

C'est une description terrible et sans concession de ce pays fait du contraste entre les Ténèbres de la misère et la Lumière de la société High Tech. Mais l'auteur, Aravind Adiga, va plus loin et dénonce la système même qui permet le maintien de ces deux castes : celui de la "cage à poules".

"Faites-vous conduire à Old Delhi, derrière la Jama Masjid, et observez comment est confinée la volaille. Des centaines de poules blanchâtres et de coqs bariolés, parqués dans des cages en treillis, aussi entassés que des vers dans un intestin, se béquettent, se chient dessus et se bousculent pour avoir un peu d'air. Sur le comptoir de bois, au-dessus de la cage, un jeune boucher souriant exhibe la chair et les entrailles d'un pulet tout juste évidé et maculé de sang sombre. Dessous, ses congénères sentent l'odeur du sang. Ils voient les boyaux de leur frère. Ils savent que leur tour approche. Pourtant, ils ne se rebellent pas. Ils ne cherchent pas à fuir la cage. 
Dans ce pays, on procède de la même manière avec les êtres humains. (...) 
La grande Cage à poules indienne. Avez-vous l'équivalent en Chine ? J'en doute, monsieur Jiabao. Sinon, vous n'auriez pas besoin du parti communiste pour éliminer les individus, ni d'une police secrète pour opérer des rafles nocturnes dans les maisons et mettre leurs habitants en prison; c'est du moins ce qu'on raconte. Ici, en Inde, nous n'avons pas de dictature. Ni de police secrète.
C'est parce que nous avons la Cage à poules."


C'est un roman passionnant, loin des images d'Epinal de "l'Inde éternelle". De la corruption en passant par le trucage des élections, de l'extrême richesse côtoyant le pire des dénuements,  le tableau que dresse le Tigre blanc à l'attention de son correspondant Chinois, ne correspond certainement pas à ce que le protocole Indien a prévu pour l'accueillir :

"(...)des guirlandes, des statuettes-souvenir de Gandhi en bois de santal et une brochure d'informations sur le passé, le présent et le futur de l'Inde".

Un premier roman, plus que prometteur et qui donne envie de suivre cet auteur. Vivement la traduction de son livre suivant : "Last man in tower".