jeudi 1 septembre 2011

Mathias Enard : PARLE-LEUR DE BATAILLES, DE ROIS ET D'ELEPHANTS, Actes Sud, 2010


La récente découverte de l'esquisse d'un pont au dessus de la Corne d'Or, esquisse signée de Michel-Ange, est certainement  à l'origine de ce roman, très spécial.

Par petites touches, Mathias Enard nous conte le séjour de l'artiste dans la capitale de l'empire Ottoman et cela lui donne l'occasion de nous parler de batailles (et de rivalités), de rois (et plus particulièrement d'un sultan et d'un pape) et d'éléphants (ceux que Michel-Ange dessine tout en cherchant l'inspiration).  

Il y est question du rapport aux puissants ("Turcs ou romains les puissants nous avilissent"), mais aussi du rapport de l'artiste à sa création : de la nécessité, pour ce dernier, de s'imprégner de l'atmosphère de la ville, de ressentir, de divaguer, pour arriver à concevoir, à visualiser ce pont que lui a commandé le sultan Bazajet II. 

"En retraversant la Corne d'Or, Michel-ange a la vision de son pont, flottant dans le soleil du matin, si vrai qu'il en a les larmes aux yeux. L'édifice sera colossal sans être imposant, fin et puissant. Comme si la soirée lui avait dessillé les paupières et transmis sa certitude, le dessin lui apparaît enfin.
Il rentre presque en courant poser cette idée sur le papier, traits de plume, ombres au blanc, rehauts de rouge.
Un pont surgi de la nuit, pétri de la matière de la ville".

Et puis, il y a l'amour. L'amour de Michel-Ange pour une chanteuse et surtout l'amour inavoué du poète Mesihi pour le génie.
"Dissimulé par les embarcations, Mesihi s'est vite retourné. Il ne souhaite pas observer plus longtemps, il n'y a plus rien à voir : des rames sombres qui frappent les flots obscurs, une voile carrée dont la blancheur ne parvient pas à déchirer la nuit.
Il va aller se perdre dans les rues de la ville, se perdre dans les bouges de Tahtakale; pour tout souvenir de Michel-Ange, il garde le dessin d'un éléphant, et surtout, dans un repli de son vêtement, la dgue noire et or qui lui brûle à présent de ventre comme si elle était chauffée à blanc."
Si j'ai dit que je trouvais ce roman spécial, c'est que le style de Mathias Enard, dépouillé, presque froid, ne correspond pas à la force des sentiments et à la passion qui anime les protagonistes. Quand je dis qu'il "peint" cette histoire par petites touches, ces dernières sont tellement légères, tellement éthérées qu'elles manquent de corps, je devrais dire de chair. 

J'ai eu plus l'impression de lire une construction intellectuelle, certes excessivement bien montée, mais pas un roman dont le sujet se serait imposé à l'auteur.

1 commentaire:

  1. jolie conclusion!
    j'attendais beaucoup de ce roman et je suis restée sur ma faim.

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