lundi 26 septembre 2011

Arnaldur Indridason : HYPOTHERMIE, Métailié, 2010


Je lis très peu de polars et connais donc mal ce genre. C'est donc tout à fait par hasard que je suis tombée sur ce livre, que je n'ai pas écarté d'emblée, à cause de l'origine de l'auteur, l'Islande.

En parcourant le net je m'aperçois qu'Arnaldur Indridason est un auteur renommé de romans policiers et que le héros d'Hypothermie, semble être le commissaire fétiche de ses précédents livres. 

Bien que l'enquête ait conclu à un suicide, la mort de Maria, retrouvée pendue dans le chalet d'été de la famille ne semble plus si claire au commissaire Erlendur, depuis qu'il a écouté la cassette que la meilleure amie de Maria lui a fait parvenir. Il s'agit de l'enregistrement de l'entretien que cette dernière a eu avec un médium peu après la mort de sa mère.

Extrêmement bien construit, Hypothermie nous emmène dans la recherche de la "vérité" sur la vie après la mort, que ce soit au moyen de médiums ou d'expériences médicales, pas très légales. Mais l'auteur ne se borne pas à dérouler le fil du suspens - bien gardé jusqu'au bout de l'enquête - il mêle également les propres sentiments et motivations du commissaire qui a, lui aussi, perdu un être cher. 

C'est un bon livre, qui nous tient en haleine,  mais décidément, je n'arrive pas à m'enthousiasmer pour un polar.

samedi 17 septembre 2011

Lyonel Trouillot : LES ENFANTS DES HEROS, Actes Sud, 2002


Terrible histoire que celle que raconte Lyonel Trouillot dans ce livre-ci.  Deux enfants des bidonvilles de Port au Prince s'enfuient de chez eux après avoir tué leur père. 

C'est le gamin qui parle. C'est avec sa vision à lui que l'on découvre, petit à petit, comment Mariéla, sa sœur de 16 ans, en arrive à frapper, frapper ce géant de boxeur (raté) qui ne leur sert pas de père.

Lumineuse histoire aussi, car c'est à travers les yeux du petit que l'on découvre la famille, les amis et surtout, surtout, l'amour indéfectible, mélange d'admiration et de besoin de protection,  qui le lie à sa sœur.


"Le rideau tiré, Mariéla se couchait la première, sur le dos, les bras repliés sous sa nuque. Elle regardait le plafond, ou au-delà, vers les étoiles. Et je la regardais. Dès qu'on rentrait dans la maison, elle devenait mon paysage. Puis je la rejoignais. Nous faisions le compte-rendu de la journée et répétions nos rêves. Nous les préparions toujours la veille, dans le noir. On ne peut pas faire confiance au sommeil. Des fois, le sommeil n'offre rien, avare comme une terre sèche. Il existe des nuits chiches qui n'attirent pas les rêves. Nous préparions les nôtres avant de nous laisser tromper par le sommeil."

Cette cavale durera trois jours avant qu'ils ne soient arrêtés et séparés. Trois jours de complicité, de souvenirs, de doutes, de questions : "Mais si c'est pas une chose qui s'est passée toute seule, si c'est sa mort que nous voulions, nous sommes peut-être des assassins ?"


Un livre fort et prenant, loin des images toutes faites que l'on peut avoir sur Haïti et sa misère. Un livre profond plein d'espoir tant la candeur du gosse porte en elle la force de la confiance qu'il a envers cette fille qui a su dire non. 

Je découvre cet auteur et je suis sûre d'y revenir.

lundi 12 septembre 2011

Alain Claude Sulzer : UN GARCON PARFAIT, Actes Sud, 2008

Premier roman de cet auteur traduit en français, il fut pour moi la découverte d'Alain Claude Sulzer, auteur Suisse allemand, né à Bâle en 1953.

Ernst est serveur dans un grand hôtel des bords du lac de Brienz, et a une parfaite maîtrise de son métier, qu'il pratique en artiste perfectionniste. Cela donne à Sulzer l'occasion de revisiter ces lieux de résidence réservés à une population privilégiée, souvent étrangère, et de rappeler les règles en vigueur qui régissaient - et régissent certainement encore - les relations entre le personnel et les clients des hôtels de luxe.

"Il était recommandé de traité les clients qui voyageaient seuls avec une prévenance particulière, ne serait-ce que parce qu'ils donnaient les meilleurs pourboires. Contrairement aux couples qui, pendant la journée, étaient occupés à surveiller leurs enfants, les solitaires avaient tendance à bavarder avec le personnel, on échangeait des paroles aimables dans les couloirs, dans la spacieuse cage d'escalier circulaire, le matin sur la terrasse, l'après-midi au jardin. Comme il 'était pas rare que les conversations s'éternisent, il fallait ensuite se dépêcher de finir ses autres tâches, sans avoir l'air de se presser, ni donner l'impression aux clients qu'ils vous avaient fait perdre votre temps. (...)
Un h0chement de tête ou le léger détournement du corps suffisaient à signaler que le client souhaitait mettre fin à la conversation.  C'était alors à l'employé de réagir de façon conséquente, ni précipitée ni trop mesurée. Tout cela, on l'apprenait par l'expérience et l'empathie, après les premiers faux pas d'usage. C'était à chacun de développer un juste instinct des désir du clients."

Grand Hôtel de Giessbach, hôtel dans lequel l'auteur situe son roman

Lorsque le 15 septembre 1966, Ernst reçoit une lettre de New York, il ne l'ouvre pas tout de suite, il tente de se préserver, mais quoiqu'il fasse, son passé qui n'a cessé de le hanter sourdement,  remonte à la surface et chaque détail, chaque moment partagé avec Jacob est ravivé. Et Sulzer nous raconte l'histoire d'une passion folle, d'une passion interdite, secrète, discrète mais.... peut-être pas partagée.

"Ernest ne s'était pas attendu à cela. Au cours d'une promenade au bord du lac, c'était un dimanche après-midi de juillet, presque deux mois jour pour jour après son arrivée à Giessbach, Jacob avait sans prévenir passé son bras gauche autour de l'épaule d'Ernest et embrassé celui-ci en marchant. (...) Jacob n'embrassait pas Ernest comme un frère, il ne l'embrassait pas comme on embrasse son père ou sa mère. Il l'embrassait comme le ferait un amant, sans gêne et sans crainte, avec une certaine maladresse aussi car il n'avait probablement pas eu souvent l'0ccasion de s'entraîner à le faire."

Plaçant la rencontre des deux amants au moment de la montée en puissance de Hitler, il introduit le contexte politique de l'époque en la personne de Julius Klinger, écrivain allemand, qui se réfugie à Giessbach  après sa dénonciation du nouveau régime.

"Aux yeux des émigrés qui, à son arrivée, se tenaient dans le hall de l'hôtel et l'applaudissaient, il représentait les vraies valeurs de ce pays qu'ils avaient dû quitter à contrecœur. Il ne s'était laissé impressionner ni par les flatteries de la part du régime ni pas les tentatives de faire pression sur lui".

Mais si l'arrivée de Kingler rassure ses compatriotes sur la justesse de leur choix, elle marque aussi le début de la trahison amoureuse de Jacob.

C'est un roman magnifique, profond et dense mais qui, de par la qualité du style délié et précis, se lit d'une traite et nous réserve jusqu'à la fin des surprises quant aux caractères des personnages. 

A lire, absolument.
Ce livre a reçu le prix Médicis étranger et cette fois-ci, je trouve ce prix totalement mérité.

jeudi 8 septembre 2011

David Foenkinos : LA DELICATESSE, 2009


Une histoire banale, peut-être trop (?), mais racontée avec délicatesse, justement. Et cela fait toute la différence. 

On se prend de sympathie pour Nathalie, qui, après avoir vécu le parfait amour avec son mari rencontré par hasard, se retrouve veuve, incapable de renouer avec la réalité, et surtout de se permettre une nouvelle vie sentimentale.

Les relations entre les personnes sont traitées de manière légère, les réactions des individus, parfois inattendues et on prend du plaisir à lire ce roman de David Foenkinos.


De là, à recevoir autant de prix littéraires ... 

jeudi 1 septembre 2011

Mathias Enard : PARLE-LEUR DE BATAILLES, DE ROIS ET D'ELEPHANTS, Actes Sud, 2010


La récente découverte de l'esquisse d'un pont au dessus de la Corne d'Or, esquisse signée de Michel-Ange, est certainement  à l'origine de ce roman, très spécial.

Par petites touches, Mathias Enard nous conte le séjour de l'artiste dans la capitale de l'empire Ottoman et cela lui donne l'occasion de nous parler de batailles (et de rivalités), de rois (et plus particulièrement d'un sultan et d'un pape) et d'éléphants (ceux que Michel-Ange dessine tout en cherchant l'inspiration).  

Il y est question du rapport aux puissants ("Turcs ou romains les puissants nous avilissent"), mais aussi du rapport de l'artiste à sa création : de la nécessité, pour ce dernier, de s'imprégner de l'atmosphère de la ville, de ressentir, de divaguer, pour arriver à concevoir, à visualiser ce pont que lui a commandé le sultan Bazajet II. 

"En retraversant la Corne d'Or, Michel-ange a la vision de son pont, flottant dans le soleil du matin, si vrai qu'il en a les larmes aux yeux. L'édifice sera colossal sans être imposant, fin et puissant. Comme si la soirée lui avait dessillé les paupières et transmis sa certitude, le dessin lui apparaît enfin.
Il rentre presque en courant poser cette idée sur le papier, traits de plume, ombres au blanc, rehauts de rouge.
Un pont surgi de la nuit, pétri de la matière de la ville".

Et puis, il y a l'amour. L'amour de Michel-Ange pour une chanteuse et surtout l'amour inavoué du poète Mesihi pour le génie.
"Dissimulé par les embarcations, Mesihi s'est vite retourné. Il ne souhaite pas observer plus longtemps, il n'y a plus rien à voir : des rames sombres qui frappent les flots obscurs, une voile carrée dont la blancheur ne parvient pas à déchirer la nuit.
Il va aller se perdre dans les rues de la ville, se perdre dans les bouges de Tahtakale; pour tout souvenir de Michel-Ange, il garde le dessin d'un éléphant, et surtout, dans un repli de son vêtement, la dgue noire et or qui lui brûle à présent de ventre comme si elle était chauffée à blanc."
Si j'ai dit que je trouvais ce roman spécial, c'est que le style de Mathias Enard, dépouillé, presque froid, ne correspond pas à la force des sentiments et à la passion qui anime les protagonistes. Quand je dis qu'il "peint" cette histoire par petites touches, ces dernières sont tellement légères, tellement éthérées qu'elles manquent de corps, je devrais dire de chair. 

J'ai eu plus l'impression de lire une construction intellectuelle, certes excessivement bien montée, mais pas un roman dont le sujet se serait imposé à l'auteur.