lundi 31 janvier 2011

Eric-Emmanuel Schmitt : ULYSSE FROM BADGAD, Albin Michel, 2008

Un jeune Bagdadien, ayant souffert de la dictature de Saddam Hussein, mais encore plus de l'embargo international, puis de l'invasion américaine, décide de quitter l'Irak pour rejoindre clandestinement l'Angleterre.

Voilà un sujet qui m'intéresse et je me réjouissais de lire ce livre, ce d'autant plus que j'ai beaucoup aimé les précédents romans d'Eric-Emmanuel Schmitt, notamment "l'Évangile selon Pilate" et "La part de l'autre". Quelle déception !

 Les références à l'Odyssée sont grossières : le cyclope est un employé borgne, Charybde et Scylla une tempête en mer dont les seules gouttes d'eau doivent provenir du verre d'eau qu'immanquablement l'auteur tient sur sa table de travail, les sirènes sont transformées en un groupe de chanteuses punk, et j'en passe. Tout cela fait dans la grosse ficelle !



dimanche 23 janvier 2011

Anne Gavalda : LA CONSOLANTE, Le Dilettante, 2008


On pourrait croire, à lire la quatrième de couverture, que le héros de ce roman est un "architecte de 47 ans qui apprend incidemment la mort d'une femme qu'il a connue quand il était enfant et qui incarnait pour lui un univers bien différent de sa famille petite-bourgeoise".

A mon avis, ce personnage n'est que le prétexte, ou plutôt le fil conducteur, qui permet à Anne Gavalda de dresser le portrait de deux femmes qui ont en commun, bien plus que le simple fait d'avoir été et d'être aimées par le même homme. Anticonformistes, battantes, pleines de vie, elles nous séduisent à notre tour par leur fantaisie et leur dynamisme.

Mais, car il y a un mais, je pense qu'il y aurait eu matière à faire deux romans distincts tant le passage de l'une à l'autre semble factice. Si j'ai beaucoup apprécié la première partie, celle de la recherche des causes et de la manière dont Anouck, la première femme, est morte, je n'ai pas croché dans la deuxième à la description de ce "paradis" intemporel, qui tient plus de l'imaginaire baba cool que de la réalité de la vie à la campagne. Cette "petite maison du bonheur" fait un peu Walt Disney et "Libres enfants de Summerhill" !

Malgré quelques longueurs, notamment de longues digressions sur l'architecture moderne, il y a un excellent passage relatant un dîner de famille digne de l'"Echapée belle", une grande complicité aussi entre le héros et sa soeur, ou entre le héros son meilleur ami d'enfance, ce qui donne lieu à de bons dialogues.



Un impression un peu mitigée donc, mais qui ne va tout de même pas jusqu'à en déconseiller la lecture.

jeudi 20 janvier 2011

Laurent Gaudé : OURAGAN, Actes Sud, 2010

Un ouragan, et pas n'importe lequel, celui qui a ravagé la Nouvelle-Orléans, Katrina. Après la couverture médiatique dont il a fait l'objet, on pourrait croire qu'il n'y avait plus rien à dire sur le sujet. Eh bien détrompez-vous. Laurent Gaudé prend le parti de s'attacher à une dizaine de personnages, qu'il va faire se croiser au gré du déroulement de son récit.

Tout débute par une "lointaine odeur de chienne" perçue par une vieille négresse centenaire, qui ne vit pas là l'épisode le plus mouvementé de sa longue vie de femme  et qui restera debout jusqu'à la fin. Alors que l'ouragan se prépare et que les habitants, du moins ceux qui le peuvent, fuient la ville,   un homme roule en sa direction, décidé à retrouver la seule femme qui ait compté pour lui. Cette dernière est paniquée à l'idée de le revoir, trop consciente de la déchéance dans laquelle elle est tombée depuis leur séparation. A côté d'elle, son fils, continue à se taire et à refuser tout contact avec les autres humains. Un pasteur réunit ses ouailles dans l'église pour les protéger des rafales du vent, des prisonniers s'inquiètent de se voir abandonnés par leurs gardiens.


"Le vent ne cesse de forcir. C'est nous qu'il veut. Il souffle pour nous arracher, nous soulever de terre et nous faire danser dans les airs au-dessus de cette ville qui ne sera bientôt plus rien. Je reste à la fenêtre. Je la sens qui tremble et crisse. Tant pis si elle éclate à ma face de négresse, je ne bougerai pas d'ici, car je suis bien. Le monde va se déchirer comme un sac et je veux voir ça."


Et l'ouragan s'abat sur la ville, les digues cèdent, les quartiers nord sont inondés, les prisonniers voient l'eau monter dans leurs cellules, les crocodiles ne vont pas tarder à s'engager dans les rues transformées en marais. Le chaos s'installe. La vie de ceux qui sont restés coincés dans la ville désertée peut basculer.


Laurent Gaudé nous raconte ce que la télévision ne pouvait pas nous montrer et cela dans un style qui s'identifie aux tourbillons du vent, qui mêlent les pensées, les actes des différents protagonistes, qui les soulèvent vers des sommets de peur, d'angoisse, de folie, de sauvagerie, de persévérance et même d'un immense bonheur.

C'est un livre magnifiquement écrit, qui nous embarque dès les premières pages et ne nous laisse aucun répit, pris que nous sommes dans la fureur des éléments et du récit.

mercredi 12 janvier 2011

Jacques Lacarrière : LA POUSSIERE DU MONDE, Nil éditions, 1997

Jacques Lacarrière se fait poète pour nous conter le voyage de Yunus Emré au coeur de la sagesse soufie. 

Nous sommes au XIIIe siècle, en pleine Anatolie, dans un tekké "qui peut être plus qu'un lieu de culte et de prière, un enclos où l'on tenterait de rencontrer et de retenir l'infini." C'est après un long périple que Yunus y parvient, mais il a beau frapper à la porte, celle-ci reste close pendant trois jours et trois nuits. 

"Puisque cette porte ne s'ouvre pas lorsque Yunus y frappe, elle s'ouvrira peut-être s'il cesse d'y frapper. Logique de la steppe. Et de toute vie transfuge. Demeurer un intrus, oui, mais sans tapage. Un intrus décidé, entêté mais discret. Docile aux hasards des admissions et des refus"


samedi 8 janvier 2011

Vassilis Alexakis : LE COEUR DE MARGUERITE, Ed. Stock, 1999

Nous sommes à Athènes. Un documentariste de la télévision grecque, dans la quarantaine, souhaiterait écrire un roman, mais ne sait pas très bien comment s'y prendre, ce d'autant plus qu'il est possédé par l'admiration qu'il porte à un auteur confirmé du nom d'Eckermann. 

"Je rêve d'un texte susceptible de multiplier les espaces de ma vie, de me donner la même sensation de liberté que j'avais, enfant, en lisant Jules Vernes et Alexandre Dumas, et que j'éprouve à la lecture d'Eckermann." 

C'est à cette période de sa vie – et de sa carrière ? – qu'il fait la rencontre de Marguerite, une femme mariée, ayant deux enfants, et vivant dans les quartiers chics de la ville. On assiste à la naissance d'une relation d'abord, puis d'un amour qui va connaître, comme bien des histoires, des hauts et des bas. Mais le développement de cet amour est toujours lié, de près ou de loin à l'oeuvre d'Eckermann. 

"Je suis fasciné par l'idée que les romans ont une influence sur la vie, qu'ils peuvent constituer le point de départ d'histoires véritables qui à leur tour deviendront des livres. J'imagine qu'il y a une sorte d'échange entre la littérature et la vie, et que chacune rend à l'autre ce qu'elle lui doit. Si j'ai la chance de rencontrer Eckermann, je lui demanderai son avis sur cette question"

Et la rencontre aura bien lieu. 

"Je ne lui ai pas caché mes ambitions littéraires, ni les problèmes que m'avait posés la rédaction de la première page.
- Comment débute votre texte ? 
J'ai réussi à me souvenir des premières lignes et je les lui ai récitées : 
- "Cela pourrait commencer ainsi. Je veux croire que je trouverai un jour le début et que je pourrai commencer le roman dont je rêve depuis tant d'années". 
Elles l'ont plongé dans une profonde perplexité. Soudain, il s'est détendu. 
- J'ai le sentiment que vous avez omis la première phrase, a-t-il dit assez gaiement, que vous avez commencé par la deuxième ! 
Son observation m'a quelque peu froissé. 
- C'est ennuyeux ? 
- Pas vraiment... Vous terminerez peut-être votre roman par la phrase qui manque à son commencement. Vous aurez écrit un livre pour trouver une phrase !" 

J'ai aimé ce livre, car, fidèle à son style, Vassilis Alexakis, n'écrit pas là un simple roman. Tout en suivant son fil narratif, il nous relate ses réflexions et ses doutes sur le fait qu'il parviendra ou non à écrire sa relation avec Marguerite. D'une histoire banale, il nous livre une partie de lui-même et parvient à nous retenir jusqu'au dénouement final.