jeudi 23 décembre 2010

Milena Agus : BATTEMENT D'AILES, Ed, Liana Lévi, 2008

Milena Agus, romancière italienne, née en 1959, et vivant à Cagliari, nous entraîne en Sardaigne, dans un coin perdu et sauvage, où vivent deux familles, celle d'une jeune fille de 14 ans, celle de ses voisins mais surtout une certaine "Madame" qui refuse de vendre sa terre à des promoteurs immobiliers. 
La petite tient une sorte de journal où l'on découvre la fascination qu'elle porte à cette quinquagénaire fantasque, toujours à la recherche de l'amour mais qui en a peur, le jour où elle le trouve enfin. 
"Madame, qui désormais est Agnese, dit que son bonheur avec Giovanni est si grand qu'il est à peine soutenable et qu'être heureux n'est pas facile comme le pensent les pauvres gens qui se débattent dans mille difficultés. Comme le pensait avant elle-même. Elle dit que la seule façon pour que ce bonheur ne finisse pas est de finir avant lui. Mourir pour ne pas mourir." 
C'est un petit roman, léger, agréable à lire, où le portrait des protagonistes, tous plus attachants les uns que les autres, est habilement tiré par petites touches, et où l'imaginaire de la jeune fille ne fait que renforcer la magie des chiffres pratiquée par "Madame", car "sans magie, la vie a un goût d'épouvante".

lundi 13 décembre 2010

Jacques Lacarrière : AU COEUR DES MYTHOLOGIES, Folio, 1984

Dans son avant-propos, J. Lacarrière écrit : 

"...outre sa claire intention de présenter l'histoire mythique de l'homme racontée par lui-même, il (l'ouvrage) est né aussi et avant tout du désir, du plaisir de proposer une anthologie de mes mythes préférés". 

Plaisir, le mot est lâché. C'est en effet, une jubilation que de suivre Lacarrière dans sa présentation des réponses que les hommes ont données aux questions qu'ils se posent quant à leur origine ou à leur devenir. 

Nul besoin d'être un(e) spécialiste des civilisations indo-européennes pour découvrir les mythes de Sumer, de l'Inde, de l'Iran, de l'Egypte, de la Grèce et de Rome bien sûr, mais aussi de la Scandinavie, et des peuples judéo-chrétiens au travers de la Bible, sans oublier le Coran. 

Le livre est divisé en trois grandes étapes : La naissance du monde, L'homme et l'univers, La fin du monde, chacune de celles-ci contenant plusieurs chapitres dont les seuls titres sont un appel à plonger au coeur de cette "fabuleuse et mystérieuse histoire de l'homme révélée et narrée par lui-même"

Non seulement J. Lacarrière analyse les différences et les similitudes existantes entre les mythes des différentes civilisations, mais il étaie ses propos en citant les textes fondateurs de certains mythes et là on atteint souvent la poésie, non seulement du texte lui-même, mais de l'humain. 

 
"Seul, un récit indien de la Maitrayani Samhita – qui fait partie elle-même du grand recueil de Brâhmana – présente une vision moins sévère de la nuit. Née en un temps où le phénomène avait, depuis longtemps, trouvé son explication rationnelle, en un pays où la fraîcheur nocturne reposait l'homme de la chaleur torride des journées, cette version fait de la nuit une création bienfaisante des dieux destinée à verser l'oubli sur les chagrins et les soucis : 

"Yama était mort. Les dieux tâchèrent de persuader Yami, sa sœur jumelle, de l'oublier. Toutes les fois qu'ils le lui demandaient, elle disait : "C'est aujourd'hui seulement qu'il est mort." Alors les dieux se dirent : "De cette manière, elle ne pourra jamais l'oublier. Il faut créer la Nuit." Car, à cette époque, il n'y avait que le jour et pas de nuit. Les dieux créèrent alors la Nuit. Puis se leva un lendemain. Après quoi, elle oublia Yama".
                                                                                    Anthologie sanskrite, trad. L. Renou