dimanche 27 juin 2010

Philippe Djian : SOTOS, Gallimard, NRF. 1993


Sotos Trois hommes, le fils, le (beau)-père, le grand-père, dans un combat grandement inspiré de la corrida. Un fils qui pour entrer dans l'âge adulte doit s'affranchir de la tutelle de son grand-père (faute de père), un beau-père qui doit réaliser le rêve de sa jeunesse, un grand-père qui doit maintenir sa toute puissance, non seulement sur la famille, mais sur la région. Mais quoi de mieux que de lire ce qu'en dit l'auteur lui-même :

"Pour moi, il est évident que la corrida est à la fois représentation des âges de la vie et de la manière dont on peut avoir une vision de la vie en général. Il y avait longtemps que j’avais envie de bâtir un livre là-dessus. Donc, par le fait de raccorder les tercios aux âges de la vie — parce que dans mon livre il y a un jeune, un homme d’âge mûr, et un vieux — par la manière qu’ont les personnages de voir la vie, on entre dans l’arène et on croit que tout va bien se passer, on est plein de force et de fougue. Puis on reçoit le premier châtiment... J’ai l’impression que la vie se passe un peu comme cela. Ça correspondait donc pour moi à une espèce de représentation un peu allégorique de la vie. Le côté littéraire a fait seulement que les tercios sont dans le désordre." 
© M. Darrieumerlou, Planétaires n°1457, 22/07/1993 

Autant vous dire que je n'ai pas aimé !

mardi 1 juin 2010

Thanassis Valtinos : PLUMES DE BECASSE, Actes Sud, 1994, Traduit du grec par Blanche Molfessis


Faites une recherche sur Google en tapant son nom, vous ne trouverez pas beaucoup d'informations en français.... Et pourtant, Thanassis Valtinos, né en 1932 dans le Péloponnèse, est l'un des romanciers Grecs contemporains que j'affectionne tout particulièrement et dont un bon nombre de romans ont été traduits et publiés chez Actes Sud ou chez Hatier. Thanassis Valtinos est également connu pour sa participation, en tant que scénariste, à la plupart des films de Théo Angelopoulos, dont je vous ai présenté, il y a peu, "Le voyage à Cythère".



J'ai choisi de vous présenter "Plumes de bécasse" parce qu'il s'agit d'un exercice de style périlleux, dont il se sort à merveille. Imaginez plutôt : sur 90 pages, se déroule une dispute homérique (dans le sens de mémorable) entre un homme et sa femme. Aucune description de l'endroit où ils se trouvent, aucune description du contexte, un long dialogue (mais peut-on encore parler de dialogue quand celui-ci est rompu à l'intérieur d'un couple) ponctué, comme pour alourdir encore l'ambiance, de continuels "....., dit Rania" et "...., dit Yannis". Aucune description donc, mais au bout du compte, un tableau féroce du mal-être de notre société, des frustrations ressenties de part et d'autres, de l'abrutissement dû au travail, et des difficultés à communiquer vraiment. 

Extrait : (p.52) 
  • "J'en ai marre, dit Rania. Tu essaies de me bousiller. 
  • Moi je n'essaie pas de te bousiller, dit Yannis. 
  • Tu as bousillé ma vie, dit Rania 
  • Moi jusqu'à la dernière minute, la toute dernière minute, j'essaie, dit Yannis 
  • Mon cul, dit Rania. 
  • J'essaie de te mettre dans le crâne que tu ne dois pas détruire ton ménage. 
  • Si tu crois que de cette façon, dit Rania. De cette façon tu vas me faire entrer dans ton jeu. 
  • Non, dit Yannis. Puisque je te propose de discuter. 
  • De cette façon, dit Rania. 
  • Puisque je te propose, dit Yannis. 
  • Avoue, dit Rania. Avoue que tu m'as fait du tort. 
  • Arrête de crier, dit Yannis. 
  • Ah oui, dit Rania. J'ai été heureuse avec toi. 
  • Pour commencer, arrête de crier, tout le monde nous entend. 
  • Je m'en fous, dit Rania. 
  • Toi, dit Yannis. Tu te fous de tout. 
  • Tu entends ? dit Rania. Je n'ai rien à cacher. 
  • De tes enfants, de ton foyer, dit Yannis. 
  • C'est ça, dit Rania. C'est pour ça que ça fait sept ans que je reste là à souffrir le martyre. 
  • A souffrir le martyre, dit Yannis. 
  • Sept ans. Parce que je m'en fous de mon foyer. 
  • Arrête, dit Yannis."
Et la dispute reprend de plus belle pour se terminer quelque 40 pages plus tard par : 

"Il laissa choir le pull, ouvrit la porte et s'en alla.
  • Merde, dit Rania.
Et elle se mit à pleurer furieusement."